À travers la Wachau

À 5h ce matin, dans le jour naissant, alors que je m’échappe comme un voleur, je ne lui dit pas merci au camping de Grein. Le bruit incessant de 35 tonnes passant à 80 km/h à 50m de ma tente a gâché ma nuit. Je passe rive droite. 

Grein et son château à 5h du matin

À partir de Grein la vallée a la même configuration qu’hier autour d’Inzell, une sorte de fjord intérieur.  Mais je n’ai pas cette impression de basculer dans un autre monde ; et pour cause, sur l’autre rive les cylindres des camions continuent à hurler. 

Régulièrement ces kabinenschiffes montent ou descendent le fleuve. Ils portent des noms ridicules : Vista Flamenco, Viking Ce, Vivaldi. Quand l’un me dépasse à 6h du matin on dirait un vaisseau fantôme.

 Je roule ainsi sur mon petit chemin depuis 10km, ayant croisé 3 voitures, quand Horreur ! Les abrutis ! Le chemin se transforme en route normale; comme elle est droite et qu’ils sont pressés d’aller acheter leurs bretzels, ils me dépassent à 100 à l’heure. Plus question de rêvasser ; gare à mes abatis. Je ne peux me réfugier près du Danube, un garde fou d’acier est là pour les protéger du suicide.

Le contraste avec hier est caricatural ; c’est un cas d’école sur les bienfaits du progrès. 

7h à Ypps. Juste à temps pour ein Gross Kafe. Et je poursuis dans le trafic avant de retrouver mon petit chemin, loin de toute civilisation.

Aggsbarch Markt, rive gauche

Pendant 5km ils m’ont déçu les Autrichiens ; c’est vrai qu’ils avaient placé la barre si haut les deux jours précédents que j’avais fini par vider mon sac à superlatifs.  Eux aussi ont leurs faiblesses; ce ne sont que des hommes. 

Un skateur me dépasse d’une ample foulée ; j’allais pourtant un bon 20 km/h. Je suis épaté.  Tout ça pour dire la qualité du revêtement. 

Je chasse l’idée d’aller visiter notre mère à tous, la Vénus de Willendorf qu’une main habile grava dans le calcaire il y a 25 000 ans. Mais il fallait faire un détour et monter, ce que j’exclue.

J’ajoute à cette occasion un mot nouveau à mon vocabulaire ; la Vénus est stéatopyge c’est à dire callipyge puissance 10.

J’arrive à Melk à 9h30. Un arrêt s’impose. Je veux visiter le lieu du crime ; celui que Guillaume de Baskerville résolu si spectaculairement en identifiant le tueur en série dans le Nom de la Rose. Il faut un sérieux effort d’imagination pour se transposer en 1327. Tout est propre et net, à l’autrichienne. Pas étonnant, l’abbaye bénédictine a été reconstruite au XVIII dans le style baroque.

Les marchands du temple sont un peu trop présents ; les groupes de touristes chinois se succèdent ; près du Danube un kabinenschiffe les attend pour la prochaine étape. 

À Melk j’entre dans la Wachau, fameuse vallée vinicole inscrite au patrimoine mondial. Je prends le bac pour traverser Danau et rejoindre Spitz en face ; c’est le coeur vigneron de la Wachau.

Mon timing est parfait ; il est 12h30; l’heure pour un poulet frit au sésame und ein Glas Wein aus der Région. Le vin est fruité, gouleyant, le petit Jésus en culotte de velours. 

Après ces agapes je continue vers Durnstein. Je longe le château oú Richard Coeur de Lion fut emprisonné 2 ans, il y a bien longtemps, en 1192. Pour le clin d’oeil je suis passé il y a une éternité (20 jours déjà ) près de l’abbaye de Fontevraud oú il fut enterré avec Aliénor sa mère. 

J’entre à Kelms par une grande porte beffroi, suis une rue pavée sur 500m et sort par l’autre porte beffroi et tombe sur le camping. Il est 14h. Let’s call it a day. 

De Inzell à Grein

Je reprends la descente du Danube par la rive droite. L’endroit à quelque chose de primitif; si ce n’était le ruban de bitume, il doit ressembler à ce que pouvait voir, il y a 15000 ans, un homme préhistorique.

La boule d’or du soleil apparaît brièvement entre deux falaises avant de disparaître au prochain virage. 

Après 1h30 de pédalée les falaises commencent à s’écarter, à s’abaisser ; les premières maisons, entrepôts, voitures apparaissent. La magie est passée.

J’arrive à 7h15 à Aschach. Arrêt buffet. 

La piste se poursuit le long du Danube, à l’écart de toute civilisation. On pourrait y faire du patin. Je sais que je mange mon pain blanc ; ça ne peut pas durer. Mais sûrement que le Danube a dans sa hotte d’autres surprises du même acabit. 

Quelqu’un qui ne demande rien à personne

Je n’ai vu personne depuis 10km et veux m’arrêter prés d’un banc en serrant à gauche. Mais un pisse-vinaigre arrive en face et me croise en gromellant, le regard furibard. Je suis sorti de ma ligne. Mais non Monsieur ! Vous ne gacherez pas mon plaisir. 

Quoique je ne veux pas faire d’hypothèses avec les germanophones. Si, d’après Charles Quint, l’allemand sert à parler aux chevaux (l’italien aux femmes, le français aux hommes et l’espagnol à Dieu) , peut être voulait il me signifier son appréciation. 

Peu après, un bac nous transporte rive gauche. Le  ciel est un peu voilé; je ne m’en plaindrai pas. La piste de 7km qui m’amène à Linz, oú j’arrive à 10h est impeccable. Je traverse le Danube et la ville à pied pour le tourisme. 200 000 habitants, 3ème ville d’Autriche ; Kepler, Bruckner, Mozart y ont séjournés.

Je pars à la chasse d’un des plus vieux gâteaux du monde (hast du ein Linzen Tort?); elle est, comment dire?, très roborative. Les mêmes enseignes que partout (Y Rocher!), du vent ; tiens, une légère bruine ; je ne m’y attarde pas. 

Sur 10km après Linz la piste est coincée entre le Danube et une forêt. La rive droite, par contre, est très industrielle. Le relief a disparu, la berge est à 1m de l’eau.

Le chemin se déroute et nous envoit dans une campagne sans charme jusqu’à passer par Mathausen: camp de classe 3, les pires ; entre 100 et 300 000 morts. Le bourg de 5 000 habitants est très normal, même enfants blonds, même petits restaurants sympas que partout ailleurs ; à peine un  petit panneau « mémorial de Mathausen « . Circulez, y’a rien à voir. 

J’arrive à 16h au camping de Grein, cher et mal placé.

Entrée en Autriche

Encore une journée à marquer d’une pierre blanche. Départ aux aurores ; je veux être à Passau, distant de 65km, pour déjeuner. Le radweg fait un détour, toujours impeccablement balisé. 

Il a l’air furieux le gaillard. Quand on lui donne de l’espace, il est placide ; quand on veut le contraindre, il montre sa mauvaise humeur en accélérant ; il ressemble au Raz de Sein à marée montante 

Passau

J’y arrive vers 10h30 et en profite pour faire un peu de tourisme dans la Venise bavaroise. C’est vrai qu’elle est belle avec, déjà, beaucoup de touristes du troisième âge et trop de voitures à mon goût. 

Passau est à 20km de la frontière ; la ville est à la confluence de trois fleuves: l’Ils, l’Inn et le Danube qui les absorbe. 

Adieu à l’Allemagne

J’y suis rentré il y a 8 jours, venant de Bâle et roulant 650km. Le plus frappant est l’extraordinaire qualité du réseau cycliste. On peut aller à peu près n’importe oú en vélo. On parle souvent du défaut d’entretien des infrastructures publiques ; ce n’est pas ce que j’ai vu.

Un seul mot : chapeau !

Le temps, continuellement beau y a aidé ; aujourd’hui encore il fait 28° à l’ombre. Ma stratégie depuis Ulm est de partir le matin très tôt (5h) , ce qui permet de bien rouler jusqu’à 10h. Puis viennent les heures de grosses chaleurs ; tout devient prétexte à s’arrêter ; le risque de déshydratation est certain. Ce qui permet d’arriver avant 17h.

Pour le plaisir

Je ne m’habitue pas à l’indifférence des Allemands qui vous croisent sans paraître s’apercevoir de votre présence ; en France il est d’usage de saluer chaque cycliste croisé. Pour nuancer dès que je demande de l’aide ils se mettent en quatre. 

Bonjour l’Autriche

C’est un pays que je ne connais pas, venant avec mes préjugés comme celui-ci, cruel mais savoureux « l’Autriche à réussi à nous faire croire que Beethoven est autrichien et Hitler allemand « .

Après déjeuner je reprends la piste, coincée entre la route et le Danube jusqu’à Oberzell oú je refais les bidons. La chaleur est caniculaire ; hier j’ai fini déshydraté et pris 3h pour récupérer. 

Oui, je peux continuer tout droit. Merci Google translate

La circulation devient plus légère. Le Danube s’engage dans une sorte de canyon.  À partir de Kremesau la route nous quitte ; plus de place ; elle doit monter la falaise par une pente de 13%. Il n’y a plus que la piste et le Danube entre deux falaises boisées de 400m de haut. Ceci pendant 15km. Il faut regarder la carte pour comprendre ce qui se passe ; il y avait un passage étroit dans la montagne qui impose les méandres. 

A un moment la piste rive gauche s’interrompt ; pour la modique somme de 2euros, le passeur me transborde rive droite et me conseille le camping à 2km. Un site enchanteur. 

Le paradis doit ressembler un peu à ça

À travers la campagne bavaroise

Je fais la course avec un promène couillons ; on va à peu près à la même allure

Entre Kelheim et Ratisbone le Danube fait des méandres ; c’est qu’il doit slalomer entre les falaises sur sa rive gauche. Il atteint ici le point le plus septentrional de son cours. 

J’arrive à Ratisbone (Regensbrug en Allemagne ) vers 7h30; les cyclistes de tout âge débouchent de partout. Je parcours à pied les rues étroites du centre moyenâgeux ; il y a un bâtiment remarquable à chaque coin de rue. 

Une place de Ratisbone

Ratisbone, dit-on, est la capitale du vélo; en tout cas la piste vers Worth, avec le Danube à droite et les collines sombres à gauche, tantôt à 2km, tantôt à 200m est parfait. 

Soudain, tout là haut, à moitié caché par les arbres, le Walhalla. J’allais passé sans le voir. C’est une sorte de Panthéon allemand oú les Grands Hommes ont une statue ; on y trouve du beau monde : Beethoven, Bismarck, Sophie Scholl résistante au nazisme. 

Le Walhalla

Tous les panneaux d’informations sont en allemand, je suis frustré de ne pas pouvoir en savoir plus sur les sites le long de la route. 

Oú est le ciel, oú est le Danube ?

Je poursuis ma traversée de la campagne bavaroise ; au milieu des champs de blés, de patates, de maïs, de betteraves.

La très longue place de Straubing

Jusqu’à mon arrivée à Deggendorf, à 110km de Kelheim. Il est 16:30.

Je suis surpris par l’abondance de fleurs sauvages, de jachères, de champs de foin; et ça butine à qui mieux mieux. Chez nous on a préféré éradiquer les mauvaises herbes.

Vers Kelheim

Quand j’ai traversé Danauworth ce matin le clocher a sonné 6 fois. Bien sûr le camping était endormi sauf un camarade rouleur qui se préparait à rentrer chez lui dans le nord. Tout est fermé dans le bourg sauf, miracle, la backereï qui m’ouvre ses portes et oú je rentre acheter quelques provisions de bouche avec la SBAM attitude : ‘Morgen, auf wiedersen, danke shoen. 

Je ne vois pas de panneau. Peu importe, à cette heure le meilleur indicateur est le soleil à l’Est et le Danube qui coule imperturbablement. D’ailleurs ma religion est faite sur ce 6 blanc sur fond bleu dans un cercle d’étoiles d’or; son apparition ou disparition est trop erratique pour qu’on puisse s’y fier.

Je roule la plupart du temps sur des pistes magnifiques et traverse Marxheim, Neubourg, Ingolstadt, Vohburg. Comme hier la campagne est encore plate mais les collines du Jura souabe se profilent à l’horizon. 

Existe-t-il plus beau spectacle qu’un champ d’orge illuminé par un soleil rasant dans la campagne souabe ?

A la sortie de Bergheim la piste s’enfonce dans la forêt ; elle est gravillonnée et accidentée ; je descends de vélo et là, un moment magique. Le Danube dans toute sa plénitude, dans toute sa force.

Il est 8:15; j’ai du faire 35km; grand temps de sortir ces merveilleuses pâtisseries allemandes pour un snack. 

Hommage au Johannisbeerstreuffel,

au Pfunds-Kur-Briegale, au Rosinenschneke et autres pâtisseries aux noms imprononçable. Sucrée, aux abricots, aux myrtilles; l’aliment parfait pour le cycliste au long cours. Bien sûr, à la troisième ça peut être un peu lourd, on peut ressentir un léger écoeurement. Et là j’entends une voix acerbe qui me chuchote « Eh oui ma pauvre Lucette, à manger tant de gâteaux il est normal que vous en patissiez  » (M. si tu nous r’garde).

Quizz. Associez son nom à chacun de ces gâteaux: Nussknoker, Nusshoinchen, Himbe-Vanille-Strudel. Non, je n’ai pas la réponse. 

Suite de l’étape

Cerise sur le gâteau (si je peux me permettre cette transition ) la piste continue sur une voie rive gauche, bordée de coquelicots, une piste royale allais-je dire. 

Les villes se succèdent dont je retiens à peine le nom. Après une vaine tentative de trouver une supérette à Ingolstadt, je prends la radweg, un chemin sableux au sommet d’une levée, bordant le Danube. 

Le Danube

Danau avant Vohburg

Il a pris du muscle le gaillard ! Je dirais même qu’il a pris du ventre. Vorace, glouton, véritable trou noir aquatique; tout ru, ruisseau ou rivière coulant dans son bassin versant, grand comme 1,5 fois la France, terminera inexorablement dans son lit. Pour donner une idée de sa puissance, songez que son débit à l’embouchure suffirait pour que chaque humain puisse consommer autant d’eau que l’homo europeis.

Fin de parcours 

Il est 12h20 quand je me pose pour déjeuner ; il fait 28°; j’ai fait 70km sans forcer. Il m’en reste 30 pour arriver à Kelheim. Je m’allonge à l’ombre sous un arbre ; je lis quelques pages, en levant souvent la tête, comme les poules boivent, pour laisser couler (J Renard).

Jusqu’à Danauworth

Départ à 7h30 ce matin. Je traverse Ulm endormi.

La cathédrale d’Ulm vue de la rive gauche

Ouf! C’est dimanche mais les backerei sont ouvertes; j’achète les traditionnelles pâtisseries allemandes avant de prendre la route plein Est. Le soleil est déjà haut, dans les yeux. 

Passage sous bois ; Danau à droite

Langenau, Gundelfingen, Dillingen. Il ne faut pas se perdre, comme ça vient encore de m’arriver; sinon on le paye cher, 10km de rab. Un couple d’allemands me remet sur la route.

Maison traditionnelle

Malgré mes critiques, réelles, le réseau cycliste allemand est incomparable. Faisons un rêve. Une voie cyclable de Quimper à Brest, à Concarneau, à Scaer; 2m de large, accessible à tous les âges. 

Je déjeune dans un parc ombragé de Dillingen et, malgré une pause plus longue que d’habitude, j’arrive à une heure inhabituelle au camping du club de canoë de Danauworth; à 10m de la rivière, à 800m du centre.

Au fond l’église de Danauworth

L’occasion de faire certaines tâches longtemps repoussée, de se reposer ; il y en a encore pour 4h de soleil. 

Les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse

Passeport pour l’Est : la SBAM attitude 

Ce n’est pas mes quelques mots d’allemand, ou pire, de serbo-croate, de hongrois ou de bulgare qui vont me permettre de survivre pendant ce voyage.  Mais la SBAM attitude, comme enseignée chez Auchan, ouvre toutes les portes ; je l’ai vérifié depuis mon départ mais encore plus à l’étranger. C’est simple : Sourire, Bonjour, Au revoir et Merci.  Pour chaque pays il faut apprendre la dizaine d’expression qui permettent d’être SBAM et ça marche. 

Vers Ulm

Je me lève tôt pour visiter Sigmaringen et faire quelques photos du château.  Le château impressionne sur son pic rocheux et semble sorti d’un film Disney.

Le château de Sigmaringen à 7h du matin

Je suis un peu déçu par la ville apparemment reconstruite avec peu de maisons d’époque. Difficile d’imaginer le docteur Destouches-Céline ici en 45 ainsi que les autres réfugiés de Vichy, tel que décrit dans le beau roman de P Assouline. C’est dans ce livre que j’ai trouvé cette phrase « Le problème des Allemands c’est l’obéissance « ; on pourrait dire l’exact inverse à propos des Français. 

Je poursuis ma route au bord du Danau, puisque c’est ainsi qu’on appelle le Danube ici, en suivant le Danau Radsweg.

Campagne agricole sur les bords du Danube

Mon but aujourd’hui est d’atteindre Ulm à 110km, ville natale de mon homonyme. En effet Einstein est né à Ulm en 1879.

Je fais une halte restauration à Riedlingen où je retrouve un allemand francophone rencontré au camping. Nous décidons de faire route ensemble. Il est parti des sources du Danube et s’arrête demain à Ulm.

Compagnon de route

La route se fait plus irrégulière avec des montées casse pattes. Ayant moins d’entraînement et plus de temps il s’arrête 20km avant Ulm.

J’y arrive après 110km sous un beau soleil et des ciels magnifiques.

À l’entrée d’Ulysse le Danube est canalisé ; il a pris du muscle en 100km grâce à plusieurs affluents

Ce soir ce sera restaurant avec viande et salades pour restaurer des ressources physiques qui auraient tendance à s’épuiser.

Des milliers de personnes sont dans les rues, des deux côtés du fleuve ; des orchestres, des baraques à saucisse et à bière.

Bien qu’ayant été détruite à 85% en 45 la ville est belle et très animée. 

Porche de la cathédrale d’illustration. Son clocher serait le plus haut d’Europe

Bilan d’étape 

Voici 4 semaines que, tel les conquérants, je parti de Quimper « ivre d’un rêve héroïque et brutal « . J’ai parcouru 1700 kilomètres, sans compter ceux de la semaine VTT. Il m’en reste 2400.

A part les deux étapes entre Bâle et Tuttlingen, les paysages traversés sont tous superbes; le segment Tuttlingen-Beuvron étant exceptionnel. J’ai eu beaucoup de chance avec le temps; le peu de pluie est tombée surtout pendant la nuit. 

Vers le Danube

Je pars de bonne heure ce matin. Le ciel est légèrement couvert mais le soleil n’est pas loin. L’objectif est d’atteindre le Danube.  Je retrouve avec grand plaisir une petite route vélo au bord de la Bodensee, au milieu des champs de foin et de roseaux. C’est une région agricole spécialisée dans les fruits et légumes. 

Femmes cueillant des fraises sur le bord du lac de Constance

Je fais halte à Radolfell pour remplir mon garde manger. C’est une superbe petite ville où je circule à pied. J’en profite pour engouffrer 2 pâtisseries allemandes; ce n’est pas raffiné mais c’est roboratif; exactement ce qu’il me faut. À 10h j’ai déjà croisé 200 cyclistes; ils se bougent les allemands. 

A partir de Radolfell la route va monter gentiment mais continûment jusqu’à Tuttlingen.

Paysage de campagne en montant vers Tuttlingen

Ce qui aurait pu être une histoire d’amour tourne piteusement car je rate une pancarte (ou elle était absente ) et je dois continuer par la grand route, sans les bas côtés aménagés, avec les voitures et camions qui, bien sûr, ignorent nos absurdes limitations à 80 ou 90.

A 13h30 je fais halte dans un champ à l’écart de la route pour un moment de calme et de sérénité. 

Vue de ma salle à manger

Tuttlingen me fait l’effet d’une ville en chantier mais au centre elle est très animée. 

Bienvenue à Tuttlingen

Tuttlingen est aussi la première ville sur le Danube, ici petit cours d’eau chétif et tranquille. Curieusement il semble être laissé un peu à l’écart. 

À Tuttlingen le Danube est encore jeune et insouciant

Sa source est à 650m; logiquement la route devrait aller en descendant.

À partir de maintenant c’est que du bonheur comme on dit bêtement. Le chemin s’avance dans la campagne en suivant le fleuve de près.  Parfois un mur de montagnes se dressent devant. Mais on lui fait confiance ; on sait que depuis les temps géologiques il a trouvé une voie. 

La partie du trajet jusqu’à Beuvron est absolument sublime.  Et on retrouve la magie de l’EV6: les cyclistes sourient, disent bonjour. 

Après Beuvron la piste disparaît et fait place à la route. Peu me chaut ; je veux arriver à Sigmaringen ce soir ; la route est roulante, avec peu de circulation et toujours côtoyant le Danube dans un défilé n’excédant pas 300m de large; la falaise, haute de 200m, surplombe la route à gauche. 

Nid d’aigle sur la falaise surplombant le défilé

C’est seulement à 3km de Sigmaringen que le défilé disparaît brusquement et fait place à la plaine.  Après cette parenthèse magique, retour sur le plancher des vaches. Je passe quelques ronds points, échangeurs, feux rouges avant d’arriver au camping qui est plein comme un oeuf. 

Vers le lac de Constance

S’il est des occasions oú l’expression « se faire péter la sous ventrière  » s’impose, aujourd’hui est l’une d’elle. Je dévore en regardant le Rhin qui coule très vite, comme pressé d’arriver ; je me souviens que la Loire semblait prendre tout son temps. Le Rhin est un mâle conflé aux amphétamines, la Loire une femme langoureuse.

Je pars à 9h sous un ciel couvert. Un allemand qui m’accompagne quelques centaines de mètres me dit qu’il va à la messe.  Voilà un homme pieux me dis je. Plus loin je vois une procession dans la campagne en soutane et aube, comme chez nous dans les années 60. Et soudain je comprends ; nous sommes le jeudi de l’ascension donc c’est jour férié ; donc les magasins seront fermés.  Car les allemands sont chrétiens de stricte obédience. Rétrospectivement je me dis que j’ai bien fait de me remplir la panse. 

La piste est de bonne qualité, bien signalée mais elle longe non le Rhin mais les routes départementales.

Premiers vignobles sur les coteaux

Impossible de laisser son esprit divaguer; une seconde d’inattention, on loupe un panneau et on se retrouve dans la campagne.  Bingo ! Voilà que ça m’arrive. Après plusieurs kilomètres d’errance, deux allemands me prennent en charge sur 10km à travers les champs de légumes ; je vois des asperges d’un mètre, ils ne doivent pas les consommer comme nous. 

Je m’arrête à Reinfall; les marchands du temple sont présents ; au hasard je commande « ein batwurtz bitte « ; et je vois une saucisse dans un sac en papier atterrir sur mon plateau.  C’est sur que ça change de B Loiseau ou du 7 à Saulieu, mais à Rome je fais comme les romains. 

Rheinfall

J’étais en Suisse jusqu’à maintenant ; je traverse le Rhin pour passer par Schaffhausen, Stein am Rhein (jolie ville touristique qu’il faut traverser à pied.

Stein am Rhein

Et à 17h30 je m’arrête dans un camping sur les bords du Rhin. 

Bord du lac de Constance