Kenavo, bro kozh va zadoù

Et oui, au revoir, vieux pays de mes pères. Quand te revérai-je?

Ar marc’heg bale bro

Va jav ha me, o vont a-hed an hent / Hag a-dreuz park, pa n’eus mui hent ebet / A-hed, a-dreuz, ne vern, ez eomp bepred / Hor pal bemdez zo keit hag an derc’hent.

Ar marc’heg bale bro

Non, ne t’en vas pas fidèle lecteur, même si tu n’entends pas mon baragoin. Autorise moi cet instant de nostalgie. D’ailleurs en voici une traduction.

Le cavalier errant. Ma monture et moi allons le long des chemins / Ou à travers champs quand il n’y a plus de chemin / Tout droit, à travers, quelle importance, nous avançons toujours / Notre but chaque jour est le même que la veille.

Avoue qu’il eût été dommage de ne pas faire appel à Roparz Hemon pour ne pas évoquer si joliment mon aventure.

Une journée à oublier

Attention lecteur, aujourd’hui ça va flinguer, grave.

Toujours le même chemin granuleux, peu roulant. Et pourtant quel potentiel ce canal, mais pas le plus petit bien public sur 20km (banc, panneau). Je demande à un pêcheur si je suis bien en direction de Nantes et pas de Pétaouchnok.

Magnifique équipement en acier galvanisé qui NE SERT À RIEN. Quiconque a déjà essayé d’attacher son clou à cet engin aurait pu vous le dire.

Soudain un ruban de macadam, youpi! Je m’envole. Je passe sur le grand plateau. Mais, patatras, 1km plus loin, le même revêtement pâteux, collant. J’arrive à Blain et veux franchir le passage clouté. Une voiture à droite qui s’arrête, une autre à gauche à 50m, je m’engage; on me klaxonne à gauche. Un vieux papy décati m’engueule en levant les bras au ciel. Je m’arrête et le regarde d’un regard froid et lui dit dans ma Ford intérieure: « va donc, hé, papy mougeot, gilet jaune, zémourrien! ». Ah! Ca fait du bien. D’ailleurs la conductrice de droite le regarde aussi, le regard incompréhensif.

Moi, quand on me cherche, j’correctionne plus, j’ventile, j’disperse.

Une bombance mémorable

Fidèle au proverbe breton « ur sac’h goullo ne chom ket en e sav » (un sac vide ne tient pas debout) je m’arrête à Héric au Côtes et Bouchons. Je m’installe près du feu et, sans ambages, je commande la totale, the whole enchilada. Bruchetta, pièce du boucher et pomme cuite glace caramel.

La coupelle de fromage d’hier soir est loin. Je me jette sur les plats comme la vérole sur le bas clergé; à m’en faire péter la sous ventrière. Mes amis, quel festin.

Convenablement lesté, je reprend mon chemin vers Nantes, ou plutôt vers Nord sur Erdre qui, comme chacun sait depuis hier, est la terminaison véritable du canal. J’apprends en passant que c’est l’ingénieur Boussard qui a dirigé l’érection du canal de jonction entre vallées de l’Erdre et de l’Isac d’où je viens.

Re zo re

Ou pour les non pratiquants « trop c’est trop ».

Note furibarde à CG44: non, je ne vous remercie pas de ne pas avoir indiqué que la voie gauche se termine en cul de sac à l’écluse Pas d’Héric. Je sens que je vais mal digérer.

Après quelques kilomètres j’allais faire amende honorable auprès de CG44, baisser la tête et demander pardon, m’excuser de mon langage acerbe et de mes expressions brut de décoffrage mais là non, les bornes sont franchies, re zo re; jugez en.

Je m’engage sur un chemin asphalté et je me vois à Nantes sous peu quand, tout à coup, y’a pu d’chemin, cul de sac. Non, il faut rebrousser chemin et prendre la grand route avec ses voitures. Je bout mais, obéissant, je suis les flèches. « En ce temps là j’étais crédule / un mot m’était promission / et je prenais les campanules / pour fleurs de la passion » . Non, je ne serai plus crédule car, au bout d’une demi heure je me retrouve au point de départ.

Désormais je ne dirai plus un mot sans la présence de mon avocat. Je pourrais dire des bêtises.

Traversée de Nantes

J’arrive à Nantes dont je ne dirai ni bien ni mal et veux la traverser au plus vite mais elle ne me laisse pas sortir, enfermé que je suis dans un dédale; et je me retrouve sur une île à l’insu de mon plein gré. Un vieux monsieur, un peu dépassé, me tient la jambe pendant 5 mn avant de me dire que le pont Clémenceau que je cherche est à 200m mais que je ne vais pas y arriver à cause des bouchons. Un ouvrier gouailleur me dit, comme une évidence, qu’il faut passer par St Seb. Enfin je trouve un panneau « voie sur Loire », je ne la lâcherai plus jusqu’au camping.

Encore une étape de transition

Une grosse sauce de dingue

Cette nuit il a plu. Beaucoup. Ma routeuse de St É, météorologue à ses heures, me le répétait depuis dimanche, « tu vas recevoir une de ces grosses sauce de dingue ». Je ne l’avais pas cru. D’habitude ses prévisions font pshitt!!. Elle souffre d’une sorte de pessimisme météorologique patent. Pas cette fois.

J’aurais du me méfier hier soir en entendant le grésillement sur la toile, mais je n’y ais pas prêté attention.

Je me suis réveillé brutalement vers minuit; une averse carabinée s’abattait sur ma guitoune. Pas cette pluie abstraite qu’on regarde négligemment par la fenêtre en se disant « mieux vaut pas être dessous ». Non, une vraie pluie qui tombe à 20cm du visage. Alors l’esprit se concentre et enregistre chacune des milliers de gouttes qui s’écrasent sur la toile. On vérifie chaque indice qui indiquerait que la pluie s’éloigne.

Ce n’est pas non plus une pluie jouissive qu’on écoute avec plaisir sous la tente, car on sait que la maison n’est pas loin, ou la voiture. Et soudain, une vraie goutte qui mouille s’écrase sur votre front; pour se rassurer on se dit que c’est la condensation mais sans y croire.

Et puis, peu à peu, elle s’affaiblit, s’éloigne; deux heures se sont passées. Fluctuat nec mergitur.

Malestroit, 8h du matin

Je sors de ma tente, surprise! le ciel est bleu. Je me dirige vers le bourg, à 500m, , trouver à manger. Tiens, une ondée, mais je ne vais pas faire comme le cafetier de Pont Triffen. D’ailleurs ça s’est arrêté. Bien sûr de gros cumulus sillonnent le ciel et vont je ne sais où.

Un panneau lumineux annonce une conférence pour vendredi 10 « Amour sacré, amour profane, l’érotisme dans les chapelles »; dommage, j’y aurais bien été, mais je serais loin ce jour là.

Je rentre dans un bar prendre un café. Devant moi un malabar se fait servir un blanc, un autre un demi; mais on se sert la louche entre habitués et inconnus. Allons, tout n’est pas perdu, y a de l’espoir.

Direction Guenouet

J’ai eu le nez creux en différant mon départ ce matin. Il pleut à verse. Tout à l’heure deux cyclistes sont partis; ils testent le matériel sur Lorient-Nantes par le Blavet et le canal, en vue d’un prochain voyage vers Santiago. Ils sont chargés comme des mules. 50kg chacun dans une chariote à deux roues; il y a le rasoir électrique à deux lames, la première qui tire le poil, la seconde qui coupe le poil; le pyjama à double molletonnage; deux tapis de sol (je ne ment pas). Heureusement ils ont un VAE, « mon beauf a fait 230km sur le plat » me dit l’un d’eux et « 100km quand ça monte ». Bon courage pour St Jacques.

Le soleil que c’est bon, quand il vient vous brûler la peau. Du soleil les amis, du vrai, du qui chauffe. Je sais que ça ne va pas durer mais c’est bon à prendre.

Ma météorologue attitrée me prédit des vents de 100km/h cette nuit. Bof, même pas peur.

En attendant j’ai le vent dans le dos, il me donne des ailes. Au pif, j’estime à 25 km/h ma vitesse de pointe. Mon ami D. m’avait dit qu’en Islande, avec la même chariote, il atteignait 50 km/h, en freinant.

Tiens, une aire de picnic sur le bord du canal et une table qui me tend les bras. Je puise une boîte de pâté Hénaff (le pâté du mataf) bi-o dans mes réserves. Comme dirait Georges: « What else? »

Un canal s’est perdu

Depuis Josselin le canal n’a plus le même charme qu’entre Chateaulin et Rohan, mais je ne vais pas cracher dans la soupe, le chemin est bitumé et roulant.

En arrivant à Redon je comprends vite qu’ici je suis personna non grata, cest la bagnole qui tient le haut du pavé. Peu de signalétique, pas de piste cyclable; pour marquer mon dédain je la traverse en chantant « Ya plus qu’trois filles dans l’bourg de R’don, tapent du pied quand l’amour les prend ». Pour se venger la ville me fait faire un détour dans la ZI. J’alpague un pêcheur et lui demande : »c’est par ici le canal de Nantes à Brest? « ! « Ah non, y’a jamais eu de canal qui va à Nantes. Il s’arrête à Nord d’Erdre, j’le sais puisque j’en suis ». « D’accord Monsieur, mais c’est quand même la direction de Nantes? « 

Et j’emprunte un chemin « caillouteux, malaisé, et de tous les côtés au sol… » non, stop, il n’y a pas de soleil à ce moment mais un fort vent de face. Je comprends vite qu’ils ne l’aiment pas le canal, d’ailleurs je n’ai pas vu un seul banc public sur 10km alors qu’entre Chateaulin et Carhaix par exemple il y a un banc ou une table tous les 500m. Un triple ban pour 29, 22 et 56. Et non, je ne vous dis pas merci Messieurs de Redon.

Guengouet, ville de toutes les espérances

J’arrive enfin à Guengouet, bourgade dont, avant ce voyage, j’ignorais jusqu’à l’existence. Superbe camping sous les frondaisons; à l’accueil la dame me confirme que c’est bien la faute au département, « on a beau leur dire, ils font rien pour le canal ».

Après l’orage de grêle essuyé cet après midi, l’équipage est dans un état indescriptible. Jamais douche n’aura été plus justifiée; je commence par ma monture, comme de bien entendu, et comme on l’apprend dans les meilleures écoles.

Bien sûr le restaurant est fermé le mercredi; pas de problème, je me contenterai d’une coupelle de fromage devant une bière dans un bar avec de joyeux fêtards; « la mer Noire, c’est où en France », authentique.

Tiens, v’la la pluie! Bof!

Expérience spirituelle

Ce soir je vais visiter la très belle église de Malestroit dédiée à St Marcel. Pour l’anecdote j’ai failli m’appeler Marcel. Ça s’est joué à quelques jours près. C’était le choix de mon parain prévu. Heureusement son bateau, qui revenait de Mauritanie, avait du retard, et l’affaire (le baptême) ne pouvait pas attendre; et voilà comment j’ai échappé à ce prénom.

Le cahier de doléances

Je rentre donc dans l’église pour allumer ma bougie promise lors de l’épisode de Mûr. En m’approchant du tronc j’aperçois un cahier de doléances. J’aime les feuilleter; à côté de nombreuses remarques banales et sans grand intérêt, il y a les prières, remerciements, injonctions de fidèles qui en disent long sur l’âme humaine. Je note par exemple:

« Vierge Marie, je te confie R. qui s’enfonce dans la dépression »; c’est sûrement une dame de la bourgeoisie, son écriture parfaite indique la bonne éducation.

Celle ci: « Seigneur, le monde s’écroule, aidez nous à tenir debout » m’impressionne; c’est un vieux monsieur, habitué à donner des ordres mais dépassé par le « progrès »

Celle ci: « Une pensée pour mon fils, qu’il trouve enfin la bonne personne pour être heureux » d’une mère inquiète

Celle ci: « Notre Dame de Pitié, aide mon frère JM dans sa maladie » écrite par une main qui ne tient jamais le stylo.

Pensée magique? Pas seulement; besoin naïf mais vrai de faire confiance. Pas de masque, pas de fioritures, en direct de l’âme.

J’ai lu récemment dans El Pais l’interview d’une sommité espagnole dans la biologie moléculaire; il disait « c’est pas Dieu qui a créé l’homme, c’est l’homme qui a créé Dieu ». J’avais trouvé ça tres vrai; parfaitement illustré ici.

Piéta à Malestroit

J’en suis là de mes réflexions, assis devant cette Piéta, quand une dame s’approche, gênée. Monsieur, nous allons fermer. Je me lève et l’aide à tourner la grosse clé du portail qui donne sur la place et je sors. Mais elle me suit à l’extérieur « Monsieur, pardon de vous avoir dérangé dans vos prières; vous savez que vous pouvez aller le faire dans la petite église là bas, les soeurs y organisent les prières ».

Le bug

Oui j’ai vu que les photos sont cul par dessus tête; c’est fâcheux mais « c’est la faute à l’informatique ». Tout seul, avec mes modestes moyens, je ne vois pas de solutions immédiates. Vous en serez donc quitte pour un torticolis; c’est là que je verrai qui sont les vrais fidèles.

Une étape de transition

Une pause bien méritée

Hier, après avoir monté la tente au camping municipal, je me suis dirigé dare dare vers la seule pizzeria ouverte, au bout de la bien nommée rue du Paradis.

Quel bonheur! J’ai commencé par les spaghetti à la bolognaise, une pure merveille; puis une pizza exceptionnelle; enfin, sur la recommandation du chef , une forêt noire à sa façon à se damner. Le tout arrosé d’un petit velours de derrière les fagots. J’aurais bien ajouté un osso bucco mais ça aurait été abuser.

La nuit aussi a été bonne, sans rêve, jusqu’à 7h du matin. Comme aurait dit ma défunte mère: « ne ouie ket pet laou a oa tro-dro d’e revr » , ce qui veut dire que j’avais bien dormi.

Vers Malestroit

Ce matin, en pleine forme, je suis reparti pour une petite étape, 70km jusqu’à Malestroit.

Autant le chemin entre Mûr et Pontivy est quelconque, autant celui jusqu’à Rohan est superbe. Les écluses se succèdent d’abord rapidement, tous les 100m jusqu’à l’écluse de Sant Karadec. Le canal s’avance entre de beaux arbres.

Hêtraie à Sant Karadec

Puis il redescend jusqu’à la rigole d’Hilvern.

Un mystère enfin résolu

En roulant sur la N165 de Rennes à Chateaulin j’ai souvent remarqué une pancarte annonçant la rigole d’Hilvern. Je me suis toujours demandé ce qui pouvait valoir cet honneur à une simple rigole. Affaire éclaircie, aujourd’hui je suis capable d’y répondre. La rigole apporte l’eau du barrage de Bosméléac au canal. Elle parcours pour cela 61km en suivant une pente de 0,3mm par mètre. A vol d’oiseau la distance est de 21km.

Rohan

En 1120 Alain prend possession de ce rocher (roc’han) en breton et crée ainsi la lignée célèbre. Au XIV le territoire de la famille s’étend sur le tiers de la Bretagne.

L’année dernière j’avais regardé avec V. la finale de la coupe du monde dans ce café près du pont. Je me souviens d’une apres midi sans passion; peut être dû à l’âge de l’assistance ou au manque de rythme du match.

Rien à voir avec la finale de 98 vue aux flots à Morgat, ou de la demi contre l’Allemagne en 82 vue dans un café de Concarneau quand l’infâme cordonnier (shoemacher) agressa notre Battiston qui allait au but.

Après Rohan je m’arrête pour bavarder avec un pêcheur; il est déçu, un seul brochet depuis ce matin, d’ailleurs y’en a de moins en moins, c’est pourquoi ils ont remonté la limite à 60cm. Je lui demande quel goût ça a le brochet; c’est plein d’arêtes, de l’anus à la queue c’est bon pour la soupe, au dessus de l’anus c’est en ragoût. Bizarre, chez moi on appelle ça du congre, question de dialecte sans doute.

Une blagounette

Comme je ne veux laisser aucun de mes lecteurs en route, en donner à chacun pour son argent, voici une blagounette qui me fut racontée, il y a bien longtemps, par mon amie Suzanne.

Un parisien sur le vieux port de Marseille rencontre un pêcheur et lui dit en écartant les bras: oh con, peuchère, vous avez déjà vu un congre gros comme ca? Et le pêcheur de répondre avec flegme: ouigre.

Bonjour pays Gallo, kenavo Breizh Izel, bro dispar

Je m’aperçois que je viens de rentrer en pays Gallo en arrivant à Josselin. Pour les ignoranti le pays Gallo s’étend à l’est d’une ligne Vannes-St Brieuc, on y parle gallo, à l’ouest c’est la Basse Bretagne.

Le château de Josselin

Sur un panneau à Josselin l’hermine ne dit plus « kentoc’h mervel eget bezan saotret » mais « better dead than sullied »; ce qui, on en conviendra, est plus compréhensible à beaucoup. L’hermine était symbole de pureté; l’hermine du drapeau représente la queue de l’animal, appelée moucheture; elle est, traditionnellement, fixée sur le blason par trois broches. C’était ma minute culturelle.

Conversation au bord du canal

Je m’arrête à deux kilomètres de Malestroit pour bavarder avec un couple de promeneurs. Vous venez d’où? De Quimper. Ah bon, vous êtes parti ce matin alors? Là vous exagérer; non, je suis parti dimanche. Et vous allez où? Jusqu’à la mer. Ah ben, vous n’êtes pas très loin alors. Mais on ne parle pas de la même mer. C’est laquelle la votre? La mer Noire. Ah ben, vous n’êtes pas encore arrivé, bonne route.

Non, une très grosse journée

Je poursuis donc jusqu’à l’abbaye du Bon Repos où je m’arrête pour une pause biberon. Il est 13:55.

L’abbaye de Bon Repos

Léger incident de parcours

L’année dernière avec L., M., et V. j’avais voulu prendre un raccourci par le chemin piéton qui fait le tour du lac de Guerlédan. Après 2km dont 200m en vélo et le reste à pied et le vélo sur le dos pour enjamber les rochers, nous avions fait demi-tour. Nous avions RDV le soir chez des amis, pour un barbecue le lendemain et l’étape du tour qui passait par la fameuse côte de St Mayeux.

Cette fois-ci je grimpe jusqu’à l’ancienne route de chemin de fer qui mène à Mûr de Bretagne. Cette voie verte très agréable passe au dessus des gorges de Daoulas.

La voie verte vers Mûr

Soudain la tuile; à deux km de Mûr je m’aperçois que je n’ai plus mon sac à eau sur le dos, dans lequel j’ai mes lunettes, mon kodak, mes pilules de magnésium chaudement recommandées par mon cardiologue.

Dare dare je fais demi tour et fonce vers le bar où j’avais bu un coup. J’aperçois la serveuse qui rouvre le bar après la pause de 14 à 16h. Timidement je demande : « Vous n’auriez pas vu mon sac à eau? »; sans un mot elle va chercher l’objet tant désiré derrière son comptoir et me le tend. « Meuleudi dit; louée soit tu bonne hôtesse, j’irai allumer un cierge dans la prochaine chapelle ». Au bilan c’est quand même 22km qui n’étaient pas prévus.

Fin d’étape à la ramasse.

J’avoue que le deuxième passage au dessus des gorges de Daoulas m’a laissé froid. Mais j’arrive à Mûr où j’oblique vers le lac par une descente à 7% et le camping … qui est fermé. Il est hors de question que je remonte. D’urgence je fais appel à ma routeuse de St E qui me confirme que le camping de Pontivy est ouvert. Les 20 derniers kilomètres sont pénibles, les jambes lourdes mais je m’encourage en fredonnant : « il faut toujours toujours garder sa bonne humeur garder sa bonne humeur c’est ça le secret du bonheur ». Le plus beau c’est que ça marche.

Arrivé au camping le compteur marque 135km. Une journée de dingue.

Une grosse journée

Cette nuit il a fait froid, très froid. En me levant ce matin j’ai vu une fine couche de glace sur la tente. A deux pas le canal fume.

En sautillant pour combattre le froid je prends un solide petit déjeuner amoureusement prévu par ma bonne ame. Et je démarre à bonne allure avec le soleil dans le dos. Comme c’est bizarre, je pars pourtant vers l’est et la route est plutôt droite avec, de temps en temps, un léger virage. Tiens, maintenant il est à ma droite et 500m plus loin à ma gauche. Tout s’explique en regardant la carte; l’Aulne à cet endroit fait des tours et des détours qui font qu’un kilomètre à vol d’oiseau en vaut trois en suivant le chemin.

Pause café à Pont Triffen; le cafetier se demande ce qu’il fait là, lui l’homme du sud; j’essaie de lui montrer que mars a été beau et avril pas mal du tout mais il ne veut rien entendre; chez lui, à cette époque, il avait déjà sorti le barbecue, ici il ne sait pas comment s’habiller. Difficile de lui donner tort. Je le quitte avec un mot de réconfort.

A Pont Triffen l’Aulne nous quitte pour aller vers le nord et laisse la place à l’Hyère. Alors qu’hier c’était la promenade des anglais, aujourd’hui je vois plus de canards que de gens, à part le pêcheur occasionnel; l’un me dit, satisfait, qu’il en a eu deux, il est 9h30.

Après Carhaix les biefs raccourcissent, il n’y a pas plus de 50m entre les écluses. Le chemin chemine entre canal et étang. Il monte vers la ligne de partage des eaux qui sépare les bassins versants de l’Hyère et du Blavet. Alors que je roule depuis Chateaulin avec un 42×13, là je rajoute deux dents (pour le béotien: je rétrograde). J’oublie la difficulté en pensant aux 4000 bagnards qui ont raboté la montagne entre 1820 et 1830 pour creuser la Grande Tranchée de Glomel où j’arrive bientôt.

La Grande Tranchée de Glomel

Après la tranchée vient une descente en pente douce jusqu’à Gouarec où un beau camping me fait de l’oeil; mais comme le héron de la fable je continue ma route, après tout il n’est que 13h30 et il faut faire un détour. Je fonce vers Mûr de Bretagne.

Premiers coups de pédale

L. souhaite m’accompagner sur une partie de l’étape, nous partons tranquillement à 10h. Curieusement la première partie de l’étape, au moins jusqu’à Kroas ar Born, est une des plus vallonnées du parcours. Mes lectures m’indiquent que le dénivelé à partir de Nantes jusqu’à Constanza sur la Mer Noire n’est que de 11 000 m; sur 4 000 km ça doit correspondre à 2%; a piece of cake.

A la hauteur de Quilinen nous rencontrons le groupe des Détendus de retour de leur sortie. Après quelques mots échangés nous repartons après un (petit) détour par la chapelle de St Véran.

Calvaire de St Véran

Arrivé à Chateaulin nous nous arrêtons au restaurant Le Petit Bonheur, en face de l’Aulne. Ce nom me semble être un signe du destin. Ça va bien se passer.

Après un bon déjeuner nous poursuivons notre route jusqu’à Pont Coblan où nos chemins se séparent.

Les éoliennes de Saint Coulitz.
J’aime ces grands oiseaux blancs qui s’élèvent au dessus de la campagne bretonne. Elles ne sont pas du goût de tout le monde.

Je poursuis ma route au delà de Château Neuf du Faou oú je trouve une belle place pour passer la nuit.

Deomp dezhi

C’est parti (ou « allons à elle » comme on dit en breton)!!

Je pars avec un superbe ciel bleu qui est de bon augure pour ce grand voyage. C’est vrai, les températures sont basses (2° cette nuit) mais ça ne peut que s’améliorer.

Je vais me laisser glisser tout doucement vers Chateaulin avant d’emprunter le canal de Nantes à Brest jusqu’à la Loire.

Pour ceux qui restent à la maison, voici une superbe occasion de réviser sa géographie : pouvoir situer la Slovaquie sur la carte, savoir que la Roumanie donne sur la Mer Noire et autres informations très utiles.

A bientôt pour de nouvelles aventures.

J-3 avant le grand départ

Afin de tester le matériel et le bonhomme, j’ai voulu me mettre dans les conditions réelles du voyage.

Le 1er mai, dans l’après-midi, je suis parti en direction du Menez Hom en passant par Douarnenez et Plonevez. Les éléments m’ont épargné. S’il pleuvait à verse sur le sud Finistère, dans le Porzay le ciel était nuageux mais clément.

Arrivé au sommet (330m) j’ai vite cherché une place pour mon bivouac. Un vent d’ouest cinglant m’empêchait de profiter pleinement du spectacle. Mais trouver 2m2 de terrain plat sur le Menez Hom est tache casi impossible. A 20:30 j’étais installé. Le soleil était encore haut dans le ciel; du belvédaire on voyait parfaitement la pointe du Van et la Pointe St Mathieu, les Tas de Pois et les méandres de l’Aulne.

A cause du vent je suis rentré bien vite dans mon sac de couchage. Pour une nuit « fraiche » et hachée.

Debout à 7:30; le soleil était déjà levé au dessus des Montagnes Noires et le vent toujours aussi glacial. Apres un petit déjeuner frugal j’ai refais mon paquetage et repris la direction du logis. Arrivé à 10:00, j’ai redécouvert les joies du confort (café chaud, douche).

C’était une expérience un peu brutale et, je l’espère, pas trop représentative du voyage.